A la découverte des secrets de la tour de Constance
Si un jour vous avez froid, vous tremblez, vous êtes déprimés ...
allez faire un petit voyage ...
Prenez "l'autoroute du soleil" jusqu'à Sortie Gallargues. Roulez regardez bien les pancartes indiquant : "LE GRAU DU ROI". Bientôt vous allez pouvoir vous baigner et vous reposer sur le sable fin. Mais .... Si vous préférez vous promener, allez découvrir au milieu des marécages, des canaux et des joncs, une petite ville curieuse "AIGUES-MORTES".
Ici, tout est ancien, comme au Moyen-âge. Le Roi Saint-Louis trône sur la place centrale, prêt à partir pour la Croisade avec ses 2000 navires, toutes voiles blanches dehors.
La ville d'Aigues-Mortes fut construite sur le modèle de Jérusalem : mêmes remparts crénelés, mêmes portes majestueuses et mêmes tours gardiennes de la cité. En effet, 15 grosses tours sont là pour raconter l'histoire des siècles passés. Leurs grosses pierres dorées par le soleil ou trouées par les coups d'arquebuses sont des pierres savantes. Je crois même que certaines pierres étaient branchées sur des "tables d'écoute" et qu'elles ont enregistré un message. Voyez donc cet énorme donjon qui se détache fièrement des remparts : C'est la TOUR de CONSTANCE ....
De la campagne, de la plage S'élèvent mille bruits confus Mais la Tour, géant d'un autre âge, La sombre tour ne parle plus ....
L'enfant : Réveillez-vous, vieille tour, parlez-moi. Racontez-moi quelque chose .... Je suis sûre que vous avez des secrets ....
La tour: Je suis une grande dame, très vieille et très puissante. Je mesure 36 mètres de haut, 22 mètres de diamètre et mes murs ont 6 mètres d'épaisseur. Je ne crains ni l'ardeur du soleil en plein midi, ni le vent violent de la mer qui apporte la pluie. Je ne crains pas les hommes non plus. Je ne crains que Dieu.
L'enfant : Vous connaissez Dieu ?
La tour : Bien sûr ! Autrefois, du temps de Louis XIV, j'étais une prison
pour les brigands et les voleurs, mais un jour j'ai entendu la Parole de Dieu
proclamée par des prisonnières. Ces braves Cévenoles têtues et courageuses
chantaient des cantiques et lisaient la Bible ; alors, moi aussi, j'ai cru en Jésus et je suis devenue une maison du Seigneur, un temple où Dieu habite.
L'enfant : Madame, je voudrais me promener dans vos murs !
La tour : Va, tu peux tout visiter ! Mais ne fais pas de bruit. Tu entendras peut-être, sous les voûtes sculptées un écho plaintif .... C'est l'histoire des gens qui ont vécu ici.
Voilà l'entrée! Une première porte avec ses gros verrous, puis une autre porte .... Ici, c'est le vestibule taillé dans l'épaisseur des murs qui conduit à la salle des gardes. On se croirait dans la salle à manger d'un château fort. C'est facile d'imaginer dans la belle cheminée de style arabe, un grand feu de bois et un énorme lapin de garenne tournant lentement sur la broche. Les gardes du Roi sont là en grande tenue : pique à la main ou jouant aux dés dans l'embrasure d'une étroite fenêtre. Ils discutent et rient entre eux. Comment peuvent-ils être heureux, ces chevaliers du Roi alors qu'au premier étage des prisonnières nourries d'eau et de pain moisi, pleurent et meurent de chagrin.
Allons voir. Grimpons cet étroit escalier en colimaçon. Une grande pièce comme celle du bas. Ici, c'est vraiment une prison : des fenêtres grillagées, des murs de pierre, rien que des pierres ....
Elles sont toutes les mêmes, se serrant étroitement les unes contre les autres. Dieu seul pourrait les faire chanceler ....
La pierre d'angle : Enfant, écoute, approche-toi de la meurtrière .... La pierre d'angle : Enfant, écoute, approche-toi de la meurtrière ....
Je suis la pierre d'angle, là près du barreau. Je vais te raconter mon histoire. En l'an de grâce 1705, il y avait dans cette pièce 34 prisonniers. De fameux guerriers qui firent trembler plus d'une fois les dragons du Roi. Ils mirent 8 mois pour me desceller du mur. Puis ils scièrent le barreau. Quel travail ! Pour couvrir le bruit des outils, Ils chantaient des Psaumes. On entendait jusque dans la ville leur voix puissante. "Que Dieu se montre seulement et l'on verra ...."
Le lieutenant du Roi leur défendit de chanter. Ils furent battus, traînés par les chevaux, privés de nourriture Ils n'en continuèrent pas moins à scier leur barreau en chantant de plus belle. "On verra tout ce camp s'enfuir ...."
Et .... Une nuit de mistral et de tempête, trompant la surveillance de leur gardien, ils se laissèrent glisser au moyen d'une corde faite de vieux habits noués bout à bout, d'une hauteur de 30 mètres, pour tomber dans les fossés de la tour. L'un d'entre eux se
cassa la jambe, mais avec le secours des autres, ils réussirent à gagner leur refuge dans les Cévennes.
Ah ! Ce fut un grand jour de Victoire. La Foi avait vaincu la forteresse.
Voilà mon témoignage, enfant du XXI ème siècle. Je suis une vieille pierre mais ma mémoire est bonne et ma foi inébranlable.
L'enfant : Qui est-ce qui parle derrière moi ?
La pierre sculptée : C'est moi la pierre sculptée de la voûte. Lève
la tête, je suis la grosse pierre qui soutient le plafond. Ce qu'a dit la pierre d'angle est vrai ! De ma hauteur, j'ai tout vu et tout entendu
Je me souviens aussi d'une belle jeune fille : Mademoiselle de FONTANNES.
Elle parlait peu, souriait parfois en racontant des souvenirs. Son vieux grand-père lui expliquait la Bible. Elle allait dans les bois et les grottes assister aux assemblées avec sa famille. Un jour, elle fut prise et enfermée à la tour.
Quelle tristesse ! Vivre en prison, ce n'est vraiment pas la vie de château 1 Un soir, sa mère et sa soeur, déguisées en mendiantes, prirent la route d'AIGUES-MORTES.
Quand elles traversaient un village, elles s'arrêtaient pour chanter quelques chansons afin de détourner les soupçons. Elles tendaient la main comme des pauvresses et continuaient leur chemin en pleurant. Arrivées devant la tour des douanes, elles paraissaient si fatiguées qu'on les laissa passer sans rien leur demander. Le soir tombait quand elles arrivèrent devant la tour. Comment approcher, comment s'adresser à Suzanne, leur fille et sœur bien-aimée ? Elles chantèrent ....
Elles chantèrent
le beau cantique qu'on chantait le soir dans les bois avec tous les chrétiens.
Dans la tour, une lampe s'alluma, des ombres s'agitèrent et comme un écho, les prisonnières chantèrent avec ferveur le même cantique...
Ce fut tout. Non, ni les fossés pleins d'eau, ni les plus hautes murailles, ni les soldats armés, ne pouvaient empêcher ces malheureuses femmes de communier ensemble et avec Dieu.
Quelques temps plus tard, Suzanne de FONTANNES, la jeune châtelaine, mourut. Elle était libérée. Elle habitait maintenant dans le ciel, un merveilleux palais où l'on ne souffre plus ....
Ah ! Jamais les murailles grises Ne rediront ce qu'on souffert Ces paysannes, ces marquises Ces nobles filles du désert Mais dans leur foi, puisant un baume D'une voix tremblante de pleurs Ensemble elles chantaient un psaume Les cœurs brisés sont des grands cœurs !
L'enfant : J'ai le frisson ! Cette maison est habitée par des fantômes !
La pierre plate : Oh, n'aie pas peur petite fille ! Les pierres de la tour ne sont pas méchantes. Elles parlent fort car les hommes d'aujourd'hui ne parlent plus de Dieu. Ecoute, viens dans ce petit recoin. Je suis la pierre plate qui recouvre la murette. Sais-tu qu'ici se trouvait la pouponnière de la prison ?
L'enfant : Les petits enfants aussi étaient prisonniers ?
La pierre plate : Eh oui ! Je me souviens d'une jeune femme de 22 ans Isabeau MENNET. Elle avait été prise par les soldats du Roi lors d'une réunion secrète dans les bois et comme elle allaitait son bébé, elle fut jetée en prison avec lui. Elle venait s'assoir sur ce mur et son garçon jouait là avec le fils de Marie GOUTET. Cette petite pièce devint l'endroit le plus gai de toute la maison car les enfants jouent et rient, même en prison 1 Il y eut aussi Suzanne DAUMESSON qui eut un beau bébé : Jean-Louis. On a retrouvé une lettre qui atteste la naissance de l'enfant. Il reçut comme cadeau des planches pour lui faire un lit et des serviettes en guise de draps ou de couches) Voilà une écuelle pour sa soupe .... Pauvre bébé né dans la misère, comme Jésus dans une étable. Il grandit et pose beaucoup de questions. Sa mère découragée décide d'abjurer. Oui, elle va renoncer à sa foi et accepter la religion catholique. Le curé la bénit. Elle sort de la tour avec son fils âgé de 9 ans. Elle est libre mais elle est tellement triste ! Aucune prisonnière ne la suit : elles luttent pour leur foi, .... pour la Bible, .... pour le Seigneur…
L'enfant : Oh ! J'allais trébucher sur cette pierre ronde .... On dirait la margelle d'un puits. Voilà une inscription, "RESISTEZ" ! Qu'est-ce que cela veut dire ?
La pierre ronde : Je suis la pierre ronde, la pierre du cœur de la tour. Tout le monde s'arrête là et se baisse pour méditer ...
Il y a environ 250 ans, habitait dans ce village une gracieuse jeune femme : Marie DURAND. Elle a 15 ans : C'est une vraie chrétienne. Elle aime Dieu et elle le sert fidèlement comme son père et surtout son frère le Pasteur Pierre DURAND. Ainsi en témoigne la pierre frontale de leur cheminée : "Loué soit Dieu !". Même si en 1696 .... C'est difficile d'afficher sa foi, dans cette maison on adore Dieu .... Pourtant le Roi l'a décidé : Tous les pasteurs mourront et leur famille sera emprisonnée ! Pierre DURAND est pris et pendu sur l'esplanade de MONTPELLIER. Le Père est envoyé au fort de BRESCOU dans une île bien loin des siens. Marie est là, liée de chaînes entre deux soldats .... C'est une enfant encore mais une résistante de la Foi. Son entrée à la tour en changea toute l'atmosphère.
Françoise Quintin